L’Europe se trouve sur un terrain fragile, et je vois que la Banque centrale européenne (BCE) tient un marteau, mais je ne suis pas sûr si c’est pour réparer ou briser davantage les fondations.
Les banques centrales ont donc eu les yeux grands ouverts face à une confrontation énergétique inattendue menée par Vladimir Poutine, entre autres pressions qui ont fait grimper l’inflation. Soudain, les responsables de l’argent ont dû apprendre à monter un taureau sauvage. Et juste au moment où je pensais que l’aventure ne pouvait pas devenir plus folle, la Banque nationale suisse décide de surprendre tout le monde avec une baisse des taux, laissant entendre que peut-être… juste peut-être… le pic des hausses de taux d’intérêt dans les économies avancées du continent est derrière nous.
La BCE est désormais sous le feu des projecteurs, et la rumeur court qu’une baisse des taux se profile à l’horizon, probablement en juin. Christine Lagarde y a fait allusion dans son discours, soulignant qu'ils surveillaient la croissance des salaires, des profits unitaires et de la productivité comme des faucons pour voir si une désinflation se produisait réellement.
Mais attendez, il y a bien plus que le futur immédiat.
Les trois dernières années ont été des montagnes russes pour la BCE, l’inflation transformant ses prévisions en ce qui aurait tout aussi bien pu être des gribouillages. Philip Lane, l'économiste en chef de la BCE, nous a expliqué que leurs prévisions n'étaient pas à la hauteur, principalement à cause du fait que les prix de l'énergie et des produits alimentaires semblaient faire un saut à l'élastique. Mais bon, deviner le prochain mouvement du marché, surtout avec Poutine dans le tableau, doit être presque impossible. Donc je ne juge même pas.
Mais ensuite, la BCE a procédé à une analyse des chiffres et a découvert que, tout comme aux États-Unis, le drame de l'inflation en Europe était principalement lié à des problèmes d'approvisionnement. Toute cette situation a amené les gars de la BCE à se demander s’ils auraient pu faire quelque chose différemment.
Et alerte spoiler ? Probablement pas.
Le gel profond de la stratégie de politique monétaire
Il semble que la nouvelle stratégie de politique monétaire de la BCE, révélée en grande pompe en 2021, ait rencontré un problème lorsque l'inflation a commencé à leur sourire narquoisement de l'autre côté de la pièce. C'est comme si la confiance dans leurs propres prévisions avait plongé alors que l'inflation atteignait un sommet en 40 ans, les obligeant à repenser leur stratégie consistant à se calmer face aux hausses de prix actuelles tant que l'avenir semblait plutôt prometteur.
Mais au lieu de cela, la BCE est passée dans ce qu'Isabel Schnabel a appelé un mode de « contrôle robuste », resserrant essentiellement les rênes parce que, avouons-le, ses prévisions ne lui donnaient pas grand-chose sur quoi faire. Aujourd'hui, des rumeurs courent sur un défi du « dernier kilomètre » pour ramener l'inflation à son point idéal de 2 %. Les prévisions de la BCE prévoient que l'inflation atteindra 2,2 % d'ici le milieu de l'année. Impossible.
Lagarde a clairement indiqué que même après avoir commencé à réduire les taux, elle ne s’enferme dans aucune méthode spécifique. Elle disait essentiellement : « Oui, nous réduirons les taux une fois, mais ne retenez pas votre souffle pour la suite. »
Pas vraiment un booster de confiance, hein Christie ?
Bénéfices, salaires et voie à suivre
La BCE accorde désormais plus d’attention aux bénéfices qu’auparavant. Lagarde et son équipe ont laissé entendre que nous ne devrions peut-être pas nous contenter d’être obsédés par les salaires lorsque nous parlons d’inflation. Piero Cipollone, un autre économiste de la BCE, a même prononcé un discours complet sur la manière dont la compréhension des tendances des bénéfices peut nous permettre de mieux comprendre les causes profondes de l'inflation. Il s’agit d’une bouffée d’air frais si l’on considère que l’Europe avait auparavant une vision trop étroite des coûts de main-d’œuvre, passant ainsi à côté d’une vision plus large.
Mais il ne faut pas s’attendre pour l’instant à un cadre clair comme de l’eau de roche de la part de la BCE.
Il semble qu’ils essaient encore de comprendre les choses, surtout si la désinflation s’accélère. Il existe un camp au sein de la BCE qui a hâte de se relâcher plus tôt pour éviter de retomber dans les vieilles habitudes de politiques non conventionnelles.
Et n'oublions pas les voix qui avertissent que le plein impact du resserrement de la BCE pourrait encore être à venir. Le gouverneur de la Banque d'Espagne et Axel Weber de la Bundesbank estiment que l'Europe n'est peut-être pas encore tirée d'affaire.
Quant à Schnabel, elle se lance dans la tâche délicate de déterminer un taux d'intérêt neutre qui ne perturbe pas trop l'activité économique.
Nous voilà donc, entourés d’incertitude, attendant que la BCE nous éclaire davantage sur la manière dont elle compte surmonter tous ces problèmes.
Plus tôt le brouillard sera dissipé, mieux ce sera pour tous ceux qui tentent de donner un sens au dilemme économique de l'Europe.